jeudi 19 avril 2007

On aime la mode.


La mode masculine privée de son penseur ?

On ne peut pas dire que la nouvelle ait provoqué une telle surprise, mais un sentiment quelque peu amer persiste certainement chez tous les amoureux de la mode… Hedi Slimane s’est fait gracieusement remercier par la maison Dior, il y a de cela deux semaines. Ce départ n’est néanmoins pas prématuré, il résulte en effet de nombreux mois de pourparlers ayant eu pour objectif de trouver un accord entre la maison de couture et le créateur, ce dernier désirant semble t-il la place de son confrère John Galliano à la direction artistique de la mode féminine. Il se fait désormais remplacer par Kris Van Assche, créateur belge assez prometteur de trente-deux ans, déjà reconnu dans le milieu pour les modèles de sa propre marque et choisi par la maison pour ses qualités d’ancien assistant d’Hedi Slimane (il travailla d’abord à ses côtés chez Yves Saint-Laurent, puis chez Dior, avant de souhaiter lancer sa marque en 2004).

Je me doute bien que cette information peut vous paraître assez superficielle, mais sachez que cela a son importance dans le milieu puisqu’il s’agit d’un bouleversement qui pourrait bientôt avoir des répercussions dans nos rues (peut-être uniquement les parisiennes, je vous l’accorde). Je m’explique : Slimane a été l’instigateur de toute cette tendance « rock’n’roll attitude » chère à nombre de lycéens ; leur allure de dandies bien moulés dans leurs jeans slim et tous proprets avec leurs souliers vernis n’est finalement due qu’au travail de ce fan de Rock désireux de témoigner à travers ses créations de phénomènes de rues notamment observés à Londres. Il s’est exercé ainsi depuis 2000 (date à laquelle il a pris ses fonctions chez Dior) à repenser entièrement cette maison assez vieillotte –et par la même la mode masculine dont la créativité tendait à se répéter de saison en saison- en lui instaurant de nouveaux codes ainsi qu’une marque de fabrique largement reconnaissable. En réinterprétant de telle sorte la marque, il a suscité l’engouement général chez des individus se désespérant de ne rien trouver de neuf au sein de la création masculine. Tout cela a contribué à une espèce de chamboulement radical dans le milieu de la mode masculine, qui devait désormais répondre aux attentes de plus en plus exigeantes des consommateurs. Les jeunes se sont ensuite peu à peu approprié les nouveaux codes que Slimane venait d’instaurer, peut-être parce qu’ils se sentaient enfin représentés dans le milieu de la mode et qu’ils souhaitaient eux aussi goûter au luxe les environnant.

Voilà pourquoi il est possible que certains ressentent à l’heure actuelle quelques inquiétudes concernant d’une part la création masculine, mais également la « mouvance rock » dont se réclame une petite tranche de la population adolescente. En effet, comment rebondir lorsque celui qui dictait sans le savoir les grandes tendances ne fait plus partie de la bande ? La fin soudaine de ce « mouvement » semble inévitable.

Tous les regards sont à présent tournés vers Kris Van Assche, qui doit finalement s’effrayer du poids de son héritage. Est-il capable de relever le « défi » en créant un nouvel engouement autour de ses créations ? Va t-il se faire accepter par cette génération difficile et pouvoir se faire un nom ? Il s’avère nécessaire pour lui de choisir une ligne de conduite et de s’y tenir de façon stricte, mais cela fera sans nul doute quelques ravages, qu’il le veuille ou non. Il s’agit donc soit de continuer dans la « mouvance rock » de Slimane ou de changer radicalement de style en créant des vêtements plus sobres –et finalement plus portables par les clients de la maison- mais, dans les deux cas, est-ce vraiment bénéfique pour la mode masculine ?
Il ne peut au départ que s’inspirer du travail de son prédécesseur et de l’expérience dont il a bénéficié en faisant ses classes auprès de lui, mais les gens risquent vite de se lasser s’il se contente de ne faire que du « sous-Slimane », ou de bouder la maison s’il change du tout au tout en cherchant à se démarquer. De plus, contrairement à Slimane qui se consacrait presque exclusivement à Dior Homme (car même ses activités annexes de photographe ou d’architecte étaient majoritairement mises au service de la maison), Kris Van Assche ne peut se concentrer entièrement sur celle-ci puisqu’il doit assurer en parallèle le développement de sa propre marque. Peut-on de ce fait parier sur un éventuel « boycott » des créations de Van Assche, ou plus sérieusement sur la fin de la domination écrasante de Dior Homme dans la mode masculine ?

Rien n’est sûr et toutes les spéculations sont possibles tant que son travail pour la maison ne sera pas dévoilé (il faudra s’armer de patience car son premier défilé n’aura lieu qu’en janvier). Ce qui est sûr aujourd’hui c’est la victoire incontestable de Slimane, qui a préféré l’honneur et la liberté aux gros sous, et qui peut se targuer d’avoir bouleversé en six ans la mode masculine tout entière. Il est possible d’ailleurs de constater visuellement cette victoire notamment en se baladant dans les rues du VIème arrondissement de Paris (dans lesquelles il faut choisir entre être un rocker ou être un loser), ou en signalant avec un certain amusement que la couverture du Vogue Homme International de ce mois-ci est consacrée à son ami rocker Pete Doherty, qui incarne à lui seul toute cette dynamique dominant une partie du paysage culturel actuel et que Slimane a sublimée à travers son œuvre.


Marie

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